Trop d’ouvriers agricoles décèdent sans que l’origine professionnelle de leur décès ne soit reconnue.
Trop de familles en milieu rural sont endeuillées sans indemnisation aucune, alors que le père ou la mère, a travaillé durement 40 ans voir plus sans jamais bénéficier d’une surveillance médicale.
Ce fut le cri d’alarme du collectif des ouvriers agricoles qui dénonçait en 2020 la détérioration de l’état sanitaire des travailleurs et de leur famille.
Parallèlement les services préfectoraux et la CGSS font savoir que seules 8 déclarations de maladies professionnelles ont été enregistrées en Martinique dans le milieu agricole en 50 ans.
Le médecin traitant est au cœur du dispositif. Seul son certificat initial, permet de déclencher la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle.
Seul le médecin de famille, le médecin traitant, peut faire la part de la réalité des faits du lien entre les conditions d’exercice du travail et les pathologies présentées par l’ouvrier.
Le médecin n’a pas à prouver la maladie professionnelle mais il peut signaler le lien qui lui semble exister, entre la maladie et les conditions de travail, même si cette affection n’est pas répertoriée comme maladie professionnelle. Le tableau des maladies professionnelles élaboré au plan national peut évoluer et inclure des pathologies spécifiques à certaines régions.
Un simple courrier suffit pour signaler au médecin inspecteur de la CGSS une pathologie chez un patient qui pourrait être liée à certaines conditions de travail. Il appartient alors à l’ouvrier avec l’aide des services de la CGSS de compléter le dossier.
Quelles maladies déclarer ?
Il y a les maladies connues musculosquelettiques liées à la contrainte physique. Beaucoup sont déjà inscrites sur le tableau. Certaines spécificités doivent être soulignées : ce sont les gonalgies et le prolapsus génital des ouvrières de la banane apparus lorsqu’elles ont transporté des régimes de bananes sur les épaules pendant plusieurs années.
Il y a les maladies liées à la toxicité chimique des produits en sachant que l’usage des pesticides en milieu tropical est plus intensif, plus fréquent qu’en milieu tempéré et que certains produits nocifs interdits sont encore en usage localement. La maladie de Parkinson est déjà reconnue maladie professionnelle liée au pesticides (maladie 58). Il faudrait y ajouter le « tremblement essentiel » lié au chlordécone, les atteintes neurologiques liées aux organophosphorés (le glyphosate en fait partie) sont déjà reconnus. Les hémopathies : lymphome non hodgkinien, leucémie lymphoïde chronique, myélome sont reconnues. Il suffit de faire la déclaration.
Le cancer de la prostate (maladie 61) a été reconnu comme lié aux pesticides dont le chlordécone mais pas uniquement donc chez les ouvriers de la banane mais aussi de la canne (Décret n°2022-573 du 19 avril 2022).
Il faut également signaler les maladies liées à la manipulation des perturbateurs endocriniens chez les populations sensibles : les ouvrières agricoles lorsqu’elles ont été enceintes qui font des fausses couches répétitives, des accouchements prématurés, une hypothyroïdie, celles dont un ou plusieurs enfants présentent des troubles neurodéveloppementaux. Ce qui amènera à les soustraire de cette exposition. On insiste beaucoup aujourd’hui sur le lien entre pesticides perturbateurs endocriniens et syndrome métabolique (obésité diabète hypertension) mais aussi cancer du pancréas en milieu agricole et cancer du rein chez la femme.
Les conséquences chimiques ne se résument pas au cancer de la prostate et au chlordécone. Dans la banane outre le chlordécone déjà présent dans les sols deux fongicides « perturbateurs endocriniens » sont utilisés en épandage terrestre (Diféconazole SICO* et propiconazole TILT*). Les femmes reçoivent dans les hangars ces produits contaminés qu’elles peuvent inhaler alors qu’elles sont enceintes sans compter les pesticides post-récolte manipulés dans les bacs de lavage.
Le médecin traitant a un rôle clé à jouer dans l’amélioration de la santé au travail des ouvriers agricoles et des ouvrières agricoles en âge de procréer et ce rôle en Martinique est essentiel pour repérer les maladies spécifiques à notre région.
Pour mémoire
Quelques maladies professionnelles agricoles locales
Tableau 5
Leptospirose : travailleurs de la bananes, de la canne mais aussi des cocoteraies (coupeurs de coco)
Tableau 19
Hémopathies liées au benzène et ses dérivés : Le BANOLE, solvant des produits d’épandage terrestre (dérivés du benzène).
Tableau 39 et 53
Pensez à déclarer les gonarthroses et les lésions chroniques du ménisque des ouvrières de la banane qui transportent les régimes de banane (position genou fléchi)
Tableau 58
Reconnaissance au titre des maladies professionnelles de la maladie de Parkinson provoquée par les presticides lors de leur emploi ou lors de contact avec les cultures, les surfaces, les animaux traités ou lors de l’entretien des machines destinées à l’application des pesticides.
Tableau 59
Hémopathies malignes liées aux pesticides : lymphome non hodgkinien, myélome, leucémie, lymphoide chronique