Dans les DOM, les comportements suicidaires offrent un tableau contrasté, avec un taux de décès par suicide très variables d’un DOM à l’autre, inférieur à celui de la métropole dans certains DOM. Les données très parcellaires dont nous disposons rapportent que les Tentatives de Suicide surviendraient à la même fréquence d’un DOM à l’autre et entre les DOM et la métropole. La population des sujets faisant des Tentatives de Suicide dans les DOM est mal connue (Baromètre Santé 2014 encours). La prise en charge de ces patients est hétérogène, compliquée par un suivi d’aval difficile, en raison du manque de psychiatres et psychologues en cabinet, de la surcharge de travail dans les Centres Médico-Psychologiques, et la densité faible des médecins généralistes (MG). La mise en place d’un système de veille impliquant les acteurs de soins primaires ne peut donc que contribuer (1) à mieux connaître la population des sujets faisant une TS, et (2) à structurer leur prise en charge.


Intervention du professeur Jehel sur la prévention du suicide.

Nous savons que les populations antillaise, guyanaise et réunionnaise présentent de nombreux facteurs de risque de conduites suicidaires. Le facteur de risque le plus important dans la survenue à la fois des pensées suicidaires et des TS est le fait d’avoir subi des violences (sexuelles mais aussi non sexuelles) (Beck et al., 2011). D’après une étude sur les violences subies dans les différents espaces de vie en Martinique (Elizabeth Brown & Isabelle Widmer, 2007), les femmes vivant en Martinique subissent beaucoup plus souvent des agressions sexuelles de la part de leur conjoint ou partenaire que celles qui vivent dans l’hexagone ou à La Réunion (7,6 % vs 0,8 % et 1,3 %). Par ailleurs, la privation d’argent par le conjoint pour les besoins de la vie quotidienne a été beaucoup plus souvent déclarée en Martinique que dans l’hexagone : 6,8 % vs 1,2 %.

D’autres facteurs associés aux pensées suicidaires et/ou aux TS sont d’ordre socio-économique : le fait de vivre seul, la situation de chômage, et un faible niveau de revenu (Beck et al, 2011). D’après l’INSEE (Insee, Enquête Emploi DOM 2012), la situation de chômage est plus importante dans les DOM, notamment chez les femmes (22,6 % en Martinique) par rapport aux hommes (19,2 % en Martinique). Les plus touchés par le chômage sont encore les jeunes actifs avec un taux de chômage de l’ordre d’une personne sur deux (47 % des moins de 30 ans en Martinique, plus de 50% des 18-24 ans en Guadeloupe). La famille monoparentale induit un faible niveau de revenu associé à un isolement. Aux Antilles-Guyane, la monoparentalité est trois fois plus importante qu’en France métropolitaine. Dans les départements français d’Amérique, il s’agit majoritairement de jeunes femmes célibataires sans activité professionnelle (INSEE, recensement de la population 2006 – exploitations complémentaires).

Les seules données disponibles en Martinique à l’heure actuelle nous sont fournies par l’INSERM (CepiDc), et le taux de suicide serait nettement inférieur à celui de l’hexagone : en 2008 il y aurait 6 suicides de femmes et 44 suicides d’hommes, sur une population de 400 000 habitants. Une étude rétrospective sur les patients suicidants passés aux urgences (Lamentin, Trinité, Fort de France) a été réalisée en 2008 ; elle a dénombré 433 patients suicidants en un an soit 8,3/semaine.

Une étude prospective, POSTA (Post Tentative d’Autolyse) qui a eu lieu en Martinique permet d’avoir quelques chiffres pour garantir la faisabilité d’une étude proposée ici : APSOM pou Algorithme de Prevention du Suicide en Outre-Mer. POSTA était une étude descriptive des soins courants et de la prise en charge d’aval des patients admis aux urgences du CHU pour tentative de suicide, ou pour idéations suicidaires avec antécédent de tentative de suicide. Elle a commencé début septembre 2013 et se terminée fin octobre 2014. A ce jour, plus de 300 passages pour problématique suicidaire ont été recensés. Cette étude a contribué à la mise au point de l’étude APSOM : obtention de données pour le calcul du nombre nécessaire de sujets, préparation de certains aspects du protocole et du déroulement de l’étude.

Même si toutes les personnes qui décèdent par suicide n’ont pas fait une Tentative de Suicide, la population de ceux ayant fait une tentative de suicide est a plus haut risque de façon significative, en particulier le premier mois puis la première année et cela nécessite une veille particulière.

Nous avons développé depuis 2013 un centre de crise de 7 places, sur le site de PZQ, pour les adultes mais il est possible ponctuellement de recevoir un adolescent. L’admission dans ce centre se fait par les urgences. La durée moyenne de séjour est de 6 jours, la problématique prioritaire est la crise, en particulier suicidaire mais aussi psychosociale ou psychotraumatique. Un tiers de ces patients sera ensuite adressés à l’Unité des Troubles Anxieux et Dépressifs Résistants (UAD-R) pour une durée moyenne de 21 jours.

Il est possible aussi de demander une consultation d’urgence, sur les urgences psychiatriques. Vous pouvez joindre un médecin présent 24h / 24h pour lui annoncer la personne concernée et le contexte clinique. L’assistante Médico Administrative qui recevra l’appel du patient demandera des précisions afin que nous puissions évaluer la demande. Une lettre d’accompagnement de la part du médecin traitant sera extrêmement précieuse

En dehors de l’urgence vous pouvez demandez une consultation spécialisée au 05 96 55 22 11 concernant une situation de crise.

Vous pouvez aussi appeler le service de psychiatrie universitaire pour parler directement à un médecin senior de l’équipe et lui demander un conseil au 0 696 437 307.

Vous avez à chaque fois la possibilité d’envisager d’adresser le patient vers un Centre Médico Psychologique surtout si le patient y est déjà connu ou en dehors d’une urgence ou pour privilégier la proximité offerte par les CMP.

  • Numéro de conseil téléphonique 0696 347 307
  • Les demandes de consultations au CHUM (0596552211) , en psychiatrie ou addictologie
  • Les demandes de consultaton vers un CMP : 0596 48 86 99 (standard de EPDSM)
  • Les urgences psychiatriques
  • Le centre de Crise (Adulte)
  • L’Hospitalisation programmée : UAD-R
  • L’Hospitalisation EPDSM MD

Au cours du premier semestre 2016, débutera l’étude APSOM.

Celle ci est portée par le CHU de Martinique comme promoteur et le Professeur Jehel comme coordonnateur, sera réalisée en même temps avec la Guadeloupe, la Guyane et a Réunion, dans le cadre d’un PHRC (Programme Hospitalier de Recherche Clinique).

Nos hypothèses sont les suivantes :

  • Le protocole de recontact téléphonique après le passage aux urgences complété d’un adressage de carte , a fait preuve de son efficacité sur l’hexagone (protocole ALGOS), il sera également efficace dans nos DOM. Cette hypothèse n’est pas testée dans le présent projet, car nous considérons que le niveau de preuve déjà obtenu est suffisant, et qu’il serait non éthique de ne pas en faire bénéficier tous les patients inclus. Il sera donc proposé systématiquement.
  • L’intervention complémentaire est donc celle d’un professionnel de santé, le médecin généraliste du patient si possible. Celle ci doit réduire le risque de réitération d’une TS d’un facteur 3 si elle peut s’organiser dans une réelle coordination. Mais le plus souvent aujourd’hui la coordination se fait peu entre le passage aux urgences et la consultation du médecin traitant. C’est cette hypothèse qui est testée ici, avec randomisation des sujets en deux groupes. Lorsque le patient est identifié dans le bras actif l’équipe de recherche se met à disposition du médecin traitant pour aider à cette prise en soins spécifiques. L’autre groupe est laissé en soins habituels mais recevra les appels téléphoniques de recontact. Il constituera le groupe contrôle (Cf fig 1). L’attribution dans un groupe, ou l’autre sera faite par randomisation.

Cette intervention auprès du médecin traitant, doit être aussi brève que possible pour ne pas perturber son organisation de travail et s’adaptera à son attente et au contexte.

Dans le groupe actif (APSOM), une personne de l’équipe de recherche va intervenir auprès du médecin traitant pour lui apporter des éléments utiles à la prise en soins de la personne ayant été admise à l’hôpital après avoir réalisé une TS (transmission des éléments de connaissance sur le suicide). Il sera demandé au médecin de proposer un RDV entre le 22ème et le 45ème jour.

En pratique l’intervenant de l’équipe de recherche fera les actions suivante (cf fig 2) :

  • Informe dès l’inclusion par téléphone le médecin traitant de l’admission du patient sur un des sites, suite à une TS.
  • Donne toutes les informations utiles concernant la prise en charge d’un suicidant après une TS en rappelant les éléments de l’évaluation qui a été réalisée selon la grille du potentiel suicidaire, au besoin en rappelant les modalités de cette évaluation.
  • Informe le médecin qu’il reste disponible et peut être sollicité pour une aide face à cette situation, notamment dans une action de coordination, pendant 12 mois.
  • Informe le médecin traitant qu’il sera rappelé à M6 et M13 pour une évaluation qualitative
  • Le rdv est communiqué au patient lors de l’appel téléphonique prévu entre le 11ème et le 21ème jour.

A noter que si le patient reste hospitalisé plus de 14 jours, il ne pourra pas être inclus dans l’étude.

Le patient qui aura quitté les urgences ou l’hospitalisation avec une carte ressource lui notifiant les coordonnées des urgences sera lui contacté à 3 reprises par téléphone pour être évalué. En cas de signes de gravité il sera orienté. En cas de non réponse par téléphone une carte postale lui sera adressée l’invitant a nous rappeler.

Nous proposerons différentes réunions et modalités pour vous confirmer de la mise en place de l’étude et de son déroulement.

Existence d’une réitération suicidaire (tentative de suicide ou suicide réalisé), selon la définition de la tentative de suicide de l’OMS.

Nous serons toujours à votre écoute pour des suggestions ou demandes particulières et répondre au mieux à vos attentes pour une démarche collaborative.

L’équipe de Psychiatrie du CHU de Martinique

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